Sugar is precious - ft. Yukimitsu

Hm, une petite pause entre les cours de ce matin et les révisions de cet après-midi, ça ne va pas me faire de mal, tiens. Comme je rentre à pied, je vais prolonger un peu le trajet pour faire, disons, une balade. C'est agréable de prendre l'air de temps en temps, et il me reste pas mal de bonbons, alors je vais en profiter en faisant un petit tour. Mais où aller pour éviter tous ces humains qui grouillent de partout ? Le centre-ville est quand même un peu bondé, c'est plus que désagréable. En fait je déteste la ville, surtout pendant les heures de pointe. Il y a trop de monde, qui font trop de bruit, trop de voitures, de vélos, de gosses, de vieux, ça forme un de ces brouhahas… Si seulement ils s'entendaient. Et puis ça fait moins de place pour passer tranquillement, tu peux même pas t'arrêter regarder une vitrine ou je-ne-sais-quoi. C'est infernal. D'habitude je fais toujours des détours pour éviter cette partie de la ville, et je comprends pourquoi. Mais là, il va bien falloir traverser la foule, car après l'effort, le réconfort, ça mène plus rapidement à des lieux bien plus calmes, plus sereins, où j'aurai sûrement la paix puisqu'il fait tout gris et assez froid. Après tout, personne ne va au parc quand on peut se rentrer bien au chaud et dans son lit. C'est pour ça que l'hiver -enfin, automne en l'occurrence- est appréciable, ça rend les lieux agréables complètement déserts.

Voilà, c'était bien ce que j'avais prévu, personne. Bon, y en a pas mal qui bossent, mais même, s'il faisait beau je ne serais pas seul. Comme quoi le mauvais temps a de bons côtés. Et normalement avec mon sweat et ma veste je devrais pas avoir froid. Alors je choisis un banc à l'écart du sentier principal et m'assois dessus, sortant de mon sac à dos le paquet de bonbons qui me faisait de l'oeil tout à l'heure : les fameux nounours en guimauve avec du chocolat autour. Ça devrait être interdit de faire des trucs aussi bons, sérieux. Mais en un sens, heureusement que ça ne l'est pas, comme ça je peux en manger des kilos et des kilos. Hm, délicieux… Je lâche un petit soupir et me laisse choir contre le dossier du banc en me détendant. C'est reposant, ce silence, il n'y a aucun bruit humain dans les parages. Fixant le ciel, d'un air absent je suppose, je profite simplement de ce calme allié au froid pour me changer les idées. C'est vraiment nécessaire parfois, de s'arrêter, d'arrêter tout quelques instants, le travail, les études, et tous les autres projets en cours, juste pour souffler. J'ai l'impression d'avoir la tête lourde, très lourde, mais justement que ça se vide, que ça se vide de tous ces problèmes, de tout ce à quoi il faut penser, de tout ce qu'il faudra faire après, de toutes ces voix… Comme si elle se remplissait de silence pour mieux reprendre ensuite, j'imagine.

Je ferme les yeux reste un long moment comme ça, là, à presque somnoler. J'en oublierais même mes bonbons, tiens, mais c'est pas comme si quelqu'un pouvait me les prendre de toute fa— … Wait. C'était quoi, ce bruit ? Je rêve ou je viens d'entendre le paquet bouger alors que je le tenais ? Je rouvre les yeux et découvre avec horreur qu'il ne se tient plus dans ma main. Mais… Où ? Où est passé ce truc ? Et pourquoi y a personne dans les parages, j'ai pas affaire à un ninja, quand même ?! Je regarde partout, et finalement j'aperçois le coupable. Un… Chat ? Sérieusement ? Mais, ça aime pas les bonbons, les chats, normalement. Si ? De toute façon là n'est pas la question, je déteste déjà les chats à la base, mais en plus ce truc est en train de se barrer avec mes chers oursons ! Rapidement, je reprends mon sac sur mon dos et me relève pour le courser. «Reviens ici, sale bête !», grogné-je en me mettant à le poursuivre. Je sais que ça peut courir très vite ces bestioles mais je vais le laisser filer sans rien faire ! Espèce de sale fourbe, je savais que j'avais raison de pas aimer les chats ! Putain, sérieux, je pensais enfin pourvoir avoir du temps tranquille, voilà qu'on félin de mes deux vient tout détruire, c'est quoi ce bordel ?!

Chasing down a black cat will bring you misfortune.

La fin des cours approchent à grand pas. Selon la semaine et le planning de chaque journée les cours se terminaient en fin de matinée, juste avant que retentisse la cloche indiquant les douze coups de midi. Le visage soutenu par le matériel frais qu'est son bureau. S'étirant les bras avant de passer à ses côtes qui eurent un véritable supplice à se décontracter de leur mauvaise postures auparavant, la personne concernée retrousse ses lèvres pâles, libérant un soupir de fatigue. Les leçons de physique-chimie n'on jamais été affectionné par cet élève paresseux qui passe la moitié du temps consacré à l'écoute à un autre objectif, opposé à ce que dois faire un étudiant de son âge. Evidemment, pas un seul adolescent l'attendait ou daignait entamer une conversation avec lui. C'est toujours pareil, il se fait souvent ignorer et exclure des thèmes concernant les groupes d'amis, bien que ces habitudes lui passe au dessus de la tête, force d'avouer qu'il n'attend rien de la part d'autrui, ni maintenant, ni jamais.

Les rayons de l'astre solaire le gratifiant d'une salutation bienveillante, une main empêchait la lumière de filtrer avec les globes oculaires, la tête enterrée dans le col de l'uniforme comme une tortue qui réfugie sa tête dans sa carapace. Non pas que la luminosité le dérange mais se réveiller sous un flash éblouissant est une expérience affreuse et redoutable, non seulement pour les pupilles agressées et les cernes qui ressortent de plus belle, offrant une mauvaise perspective envers les inconnus— quasiment la totalité des gens qu'il rencontre fortuitement ont une mauvaise opinion de lui, des avis divergent qui se rassemble dans une catégorie commune. Le dédain. Railleries débouchant sur plusieurs formes de moqueries qui ne cesse d'user les stratagèmes récurrent. Facile de cracher son venin sur une personne solitaire, épaulé par son don de se retrouver dans des situations cocasses.

Le regard hagard quant à l'heure de la fermeture de la boulangerie la plus proche du lycée, il sort son portable de la poche de sa veste bleutée attachée autour de ses fines hanches, déverrouillant rapidement l'écran tactile. Onze heure trente. Mince, le temps d'arriver à destination, ça sera déjà fermé.. Sauf si il décidait de mettre au profil de la famine ses pouvoirs surnaturels, en plein jour et au milieu de la foule. Oui, il y a toujours de meilleures idées avant de se pencher vers celles déjà établie. C'est d'un pas lent que l'intéressé s'échappe de sa salle de classe, dos penché et vertèbres criant au désespoir du au fait de ne pouvoir avoir l'occasion de se redresser convenablement. Un jour, il finira bossu et il devra se plaindre uniquement sur son comportement dérisoire.

C'était présomptueux de croire qu'il allait traverser d'une traite tout le carrefour menant à la boulangerie. Cinq minutes écoulés et un chat rampait littéralement sur le bitume, la clochette attachée autour de sa fourrure invoquant une myriade de bruits accouplée avec les miaulements inaudibles. Présumer de ses forces est inévitable, il était conscient que son endurance est faible, encore plus fébrile que celle des nourrissons mais obstiné lorsque ses principes sont en jeu, peu importe si au final il regrettera amèrement ses bouffonneries. Ça serait idiot d'apparaître comme par magie dans le magasin et de grimper sur le comptoir pour déposer la monnaie face à la vendeuse qui risque fortement de penser qu'elle hallucine voire même d'avoir consommé contre son gré des substances illicites.

L'itinéraire modifiée, le voilà au milieu d'un stage, plus précisément le parc généralement envahi par une horde d'individus vociférateurs. Son odorat exceptionnellement élevé lui permit de sentir depuis ses allées et venues le délicat parfum qu'est le chocolat solidifié avec de la guimauve. N'écoutant que son ventre gargouillant de plus belle, le chat au pelage obsidienne réduit l'écart entre son point de mire et sa position actuelle, attendant le timing parfait pour bondir sur le banc et dérobé avec grâce le butin. Chose mise en oeuvre en moins de vingt secondes, le temps idéal pour s'enfuir à toute vitesse—

Et le voleur est poursuivi par la victime. Mirettes écarquillées plus une goutte de sueur roulant sur sa joue, continuant ses pas chassés à travers le trottoir, l'attention portée à l'avant du paysage sans oublier de semer la personne enquiquinante(?) qui semble être déterminé à en découdre. Yukimitsu pensait se planquer dans un endroit sombre facilement, de déguster sa victoire du midi. Que c'est amer, les désillusions. En particulier celles qui sont persistances et qui ne manque pas de dynamisme, tout ce qu'il hait.

Hors de question d'obéir à la menace lancée, l'ombre facilite son trajet en faisant preuve d’ingéniosité, sautillant sur le couvercle d'une poubelle afin de rebondir le plus haut possible histoire d'atteindre aisément le toit d'une maison. De cette manière, il sèmerait son ennemi sans se soucier des conséquences, les humains ne sont pas aussi stupide au point de s'amuser à grimper sur les toits.  Par ailleurs, le pauvre youmu est trop épuisé d'avoir parcouru autant de distance comme si sa vie en dépendait, ce qui est le cas dans un sens. Il est tranquille, perché sur les tuiles d'un domicile, avec des bonbons gratuits entre les pattes.

Roh, je savais que j'allais l'effrayer et sûrement le faire déguerpir encore plus vite en lui courant après, c'est qu'un chat après tout, mais quand même ! De toute façon je pouvais rien faire d'autre, c'était soit ça soit le laisser filer. Et, tant qu'il -ou elle ? c'est peut-être une femelle, j'y connais rien en chats moi- a mes précieux bonbons, c'est hors de question. Je dois avouer que ça fait longtemps que j'ai pas couru comme ça, à ce rythme, ou même que j'ai pas couru tout court en fait, mais c'est pour la bonne cause. Vraiment. Puis avec le boulot au bar, de toute façon, je suis habitué à marcher et "courir" dans tous les sens pour servir les clients. Donc j'imagine que j'ai plus d'entraînement" qu'avant. Même si je reste loin d'être une personne sportive. De toute façon, le sport, j'ai toujours détesté ça, et j'en ferai jamais ma vie ou raison de vivre. Hrrm, bref. Vaut mieux rester concentré sur cette bestiole avant de la perdre de vue et de perdre mes précieux oursons par la même occasion. Ça faisait trop longtemps que j'en avais pas mangés en plus, de quel droit il se permet de me les voler ? Ah, la sale bête, vraiment. Les animaux, surtout les petits sont pas censés avoir plus ou moins peur de nous ? J'aimerais bien que ce soit le cas. Remarque, vu comment il me fuit, s'il a pas peur… Oh, ça me fait chier. Pourquoi ça doit être si compliqué alors que je demandais juste un peu de paix, pour une fois ? La prochaine fois j'irai à l'appart'. Vraiment pas moyen d'être un peu tranquille, dans ce monde, c'est horripilant.

Aussi horripilant que tous ces obstacles sur le chemin. Déjà, y a la route, il serait pas un peu malade, de traverser comme ça ? Comment je fais pour mes bonbons s'il se fait renverser ? Ils seront tout gâchés. Je déteste les chats. En plus de pas se prendre pour de la merde ils se permettent de dormir toute la journée et d'embêter les gens, et ils peuvent fuir partout sans encombre, puis quand ils tombent ils se font même pas mal. Sérieux, comment les gens peuvent aimer ça ? Ou trouver des trucs aussi fourbes mignons ? Je comprendrai jamais. Jamais. «Mais tu vas t'arrêter, oui ?!» … C'est pas que je commence à m'essouffler ou quoi, mais ce serait quand même plus facile si je pouvais l'attraper. Surtout que la ville c'est pas aussi pratique que le parc, pour courir partout. Non mais sérieux, quelle vie de merde. Me voilà à courir partout dans la ville après un pauvre matou idiot pour récupérer mes bonbons alors que l'après-midi avait si bien commencé… Ça m'exaspère. Je ferais mieux d'aller en racheter d'autres.

… Eh, mais c'est pas du jeu ! Comment je fais pour le suivre s'il monte sur un toit ? Je peux bien courir, mais alors l'escalade c'est vraiment pas mon fort. Je vais le perdre. Fourbe, fourbe, fourbe ! Saleté, j'aime vraiment pas ces bêtes-là ! Comment je vais faire, moi, après ? Je m'arrête -et il était temps !- en-dessous du toit où il a grimpé et m'écarte un peu pour regarder où il va, je pourrai certainement le suivre comme ça. Ou du moins essayer. Essoufflé, et certainement en train de tirer la pire grimace du monde, je fixe le toit et repère finalement la bestiole. Elle n'a pas bougé ? … Wait. «Tu te foutrais pas un peu de ma gueule ?!», crié-je avec hargne. Genre il se pose hors de ma portée avec mes bonbons, comme ça, tranquille ? Je hais les chats, et par-dessous tous les autres, je hais CE chat ! S'il croit que je vais le laisser faire ! Ça me fait une raison de plus pour rester là et essayer de reprendre mon sucre par tous les moyens, je ne vais certainement pas aller en racheter alors que ce truc me nargue ! Mais qu'est-ce que je pourrais faire pour reprendre mon dû…? Gueuler va certainement rien changer, de toute façon il risque même pas de me comprendre et ce sera très mauvais si les gens dans la maison m'entendent. Ils me redonneraient même pas de bonbons en échange, je parie.

Hm, déjà, je vais poser mon sac, c'est lourd cette merde. Puis je vais reprendre mon souffle et me calmer un peu pour faire des choses intelligentes. Que faire, que faire pour que ce petit démon redescende gentiment, sans causer de dommages collatéraux sur mes bonbons ? Réfléchis, réfléchis, Leo… Le mieux serait de l'appâter avec autre chose, non ? Mais je n'ai rien sous la main. Et je bouge pas d'ici, surtout si c'est pour acheter à manger à ce petit con. En plus il pourrait partir en voyant que je m'en vais. 'Fait chier. J'ai pas vraiment d'autre idée. Je le fixe longuement, à ce qu'on dit regarder les félins dans les yeux leur fait «peur». Ça peut peut-être marcher ? Mais après, comment récupérer les bonbons s'il les laisse sur le toit ? … Faut qu'il descende avec. Mais sans me fuir. Qu'est-ce que je suis censé faire, là ? Mes oursons, merde ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Je soupire bruyamment. «Mais les chats ça aime pas les bonbons, normalement ! J'aurais eu de la viande ou une autre connerie, je comprendrais, mais là…» Ah, j'ai besoin d'extérioriser, mais quelle vie de merde.