in a horror story, the victim keeps asking "why?" but there can be no explanation, and there shouldn’t be one.
Histoire A six ans, la pile de livres à côté de toi est plus grande que ta propre personne, et ça ne te rend pas peu fier! T'aimerais bien aller le dire à ton père mais comment d'habitude, il doit s'en foutre totalement... Ta mère aurait sûrement été contente, comme n'importe quel parent normal. Tu n'avais ni frère ni soeur, malchanceux comme t'étais. Tu en aurais probablement eu, si tu n'avais pas été le premier enfant de ta mère, qui a donné sa vie pour que tu naisses. Une mère, c'est vraiment gentil envers son enfant... Même si elle n'a jamais été à tes côtés, tu arrivais à te rapprocher d'elle en fouillant dans les cartons contenant les affaires de ta défunte mère. Quant aux relations que tu entretenais avec ton père, c'était un peu plus tendu; en fait, tu n'as jamais su ce qu'il pensait de toi. Il ne t'a presque jamais parlé, en vérité, tu ne sais presque pas à quoi ressemble sa voix. C'était limite un miracle que tu saches parler en fait, ou même que tu sois en vie. Il te filait des nouilles instantanées ou des trucs dégueulasses qu'on foutait au micro-onde et c'est tout. C'est limite un acte de bienveillance t'avais l'impression. La plupart du temps, il repartait s'enfermer dans la cuisine se noyer dans l'alcool. Tu aurais probablement du t'énerver ou ressentir une haine immense envers lui, mais tout ce que tu arrivais à ressentir; c'est une sympathie dégueulasse. Tu comprenais pourquoi il agissait comme ça envers toi - enfin, d'après toi, c'était la mort de ta mère qui lui faisait cet effet. Et c'est normal; quand on perd un être cher, on en sort pas indemne. T'avais envie de le réconforter, lui dire que, de toute façon, "maman était en haut et nous aime toujours autant" mais si tu osais aller dans la cuisine pendant qu'il broyait du noir, c'était une claque, et pas une petite.
A l'école, ça ne se passait pas particulièrement mieux: tu n'avais aucun réel ami, quelqu'un avec qui tu pouvais jouer et faire des conneries en toute innocence. Tu n'as jamais vraiment su ce qui t'empêcher de te faire des amis: tu n'es pas arrivé en cours d'année, tu ne portais pas d'ondes négatives et t'étais encore moins détestable. T'étais timide mais tu ne refusais jamais un peu de compagnie mais malgré tout, on te mettait toujours de côté. Tes notes n'étaient pas excellentes mais elles étaient suffisamment bonnes pour que les professeurs te félicitent. T'étais en avance par rapport aux autres, mais tu ne pouvais t'en venter à personne. La seule personne avec qui tu pouvais tuer le temps, c'était ta grand-mère maternelle; elle vivait dans le même village que toi (maman avait insisté pour rester proche de sa mère: divorcée depuis une petite dizaine d'année, la pauvre se retrouvait seule puisqu'elle n'avait qu'une seule fille) et tu t'étais promis de ne pas la laisse seule: ton père l'abhorrait, et apparemment cette haine était réciproque. Chaque fois que tu passais, elle te contais les folies de sa jeunesse, comment elle avait rencontré son ancien fiancé. Parfois, c'était plus sombre; elle avait eu la malchance d'avoir vécu la seconde guerre mondiale. Elle répétait toujours que c'eut été horrible, qu'il ne fallait pas que cela se répète. Malgré cela, ta grand mère était une bonne personne et probablement la plus importante de toute ta vie. Souvent, tu allais dormir chez elle: sa cuisine était meilleure que les trucs décongelés de ton père, et ça te faisait du bien, de parler aux gens. Le soir, elle disait souvent que Haruka (ta mère) aurait été très fière de toi. Tu lui ressemblais beaucoup et ça semblait la rendre plus heureuse que mélancolique.
A sept ans, tu continuais à aller dans la cave pour fouiller les affaires de ta mère. Ton père était au travail (probablement) et ta grand-mère était partie faire des courses alors tu ne pouvais pas aller chez elle. Chez toi, il y avait un gros carton "cassettes" que tu n'as jamais ouvert parce que tu préférais lire que regarder des films: de toute façon, ton père était toujours contre que ça le "déconcentrait". Enfin bon, pour une fois que tu pouvais le faire, tu ne te gênas pas et prit tous les films: en vérité, il n'y avait que deux/trois films: la plupart des cassettes étaient "juste" des enregistrements de ta mère et ton père. C'était toujours la même chose: ta mère, d'un naturel optimiste et jovial, persuadait ton père, grincheux au coeur tendre, de s'enregistrer, pour qu'ils puissent se repasser les résultats lorsqu'ils seront vieux et seul, pour repenser à leur âge d'or. Tu pleuras un petit, triste de penser que tu n'as jamais pu voir ta mère et que c'était ta faute et que les enregistrements n'avaient finalement pas servis à grand chose. Tu mis les cassettes dans ton cartable: tu pourras les montrer à ta grand-mère, elle sera probablement contente. Quant aux films qu'ils possédaient, ils étaient, à ton grand malheur, tous des films d'horreur. Sur la première cassette (et la seule que tu as osé regarder) était inscrit "Shining (80)". "Brillant"... T'avais été assez débile pour croire au film de fantaisie. Honnêtement, t'étais partagé entre le dégoût, la terreur et l'admiration. Surtout l'admiration, en fait. Le problème était surtout que tu n'avais que sept ans, alors la peur que t'avais quand tu t'étais couché! En fait, t'avais carrément pas dormi de la nuit. Même en repensant aux enregistrements de plus tôt, tu ne pouvais pas t'empêcher de penser que ta mère était fan de ce genre de choses et c'était plus terrifiant qu'autre chose. C'était surtout ça, qui t'avais fait peur, en fait.
Le lendemain, tu t'es empressé d'aller montrer les enregistrements à ta grand-mère. T'étais tout content, mais tu l'as vu pleurer un peu. Elle essayait de le cacher mais c'était normal - c'était un peu la seule trace de Haruka qu'il restait, la seule personne qui était restée avec elle était désormais décédée. Par ta faute. Tu te demandais pour elle ne t'en voulait pas mais, tu décidas de ne pas lui demander, de peur de la bouleverser encore plus. Une ambiance triste s'était installée entre vous deux, et tu décidas de la laisser seule en emportant les cassettes avec toi: tu voulais les montrer à ton père avant de les remettre en place.
Lorsque tu rentras chez toi, tu posas ton cartable et sorti les enregistrements. Tu t'arrêtas devant la porte de la cuisine, un peu hésitant quant à l'idée de parler avec ton père. Tu prends une respiration profonde, te claques les joues et serres les cassettes dans tes bras, tel un doudou, comme pour te rassurer.
— Papa? — Casse toi.
Il semble las. Tu t'adosse à la porte, te laissant glisser pour tomber sur tes fesses. Les enregistrements se collent un peu plus à ton torse.
« J-J'ai retrouvé les enregistrements que vous aviez fait, maman et toi. Je voulais te les montrer. »
Pas de réponse. Peut-être qu'il t'ignore, comme d'habitude. Peut-être qu'il était trop soûl pour formuler une réponse convenable. Peut-être qu'il est choqué et qu'il ne sait pas quoi répondre. Peut-être qu'il s'en fiche. Peut-être. Tu l'entends se lever, tu t'empresses de faire de même. Il ouvre la porte. Il te regarde fixement, comme ça. Toi, t'en profites pour remarquer combien il est grand - c'est vrai que du haut de ton mètre vingt, les cent quatre-vingts centimètres de ton géniteur te semblent gigantesques. Tu tends les cassettes, sourire aux lèvres. T'étais content de donner un peu de... d'espoir à ton père. Il les prend. Ses yeux se mettent à brûler. Brûler de colère, de haine ou quelque chose comme ça.
— Ça te fait sourire? — P-Pardon? — Ça te fait sourire de remuer le couteau dans la putain de plaie?! — N-Non, c'est pas ça... — T'es vraiment le pire des connards, tu sais?! Tu dois tenir ça de ta grand-mère! — A-attends, j-je —
Dans un excès de violence, tu te manges une méchante claque, et tes yeux perlent sans ton consentement. Pourquoi ç'a fini comme ça? Ça partait d'une bonne intention, non...? Réfléchis réfléchis réfléchis. Tu n'as pas le temps de te remettre de ta claque que tu sens une force compresser ton cou. Non...? Si. C'est l'alcool qui le fait faire ça? Tu pleures encore plus et te débat en essayant d'enlever les mains de ton père - en vain, évidemment.
« P-Pa — pa... M-Ma — man... Pen—se—à—ma—maman, tu tousses, tousses ta voix n'est pratiquement pas audible, Elle—n'au—rait—pas—voulu— »
Il lâche l'emprise et tu tombes sur le sol, toussant, toussant et hyperventilant pour reprendre ton souffle. Plutôt que de mettre ta vie en danger à nouveau, tu te relèves et cours t'enfermer dans ta chambre, prenant de longues respirations, touchant ton cou marqué par les grandes mains de ton géniteur. Même après t'être calmé, tu continues de pleurer, ne comprenant pas ce qui aurait poussé ton père à vouloir te tuer comme ça. « L'alcool, c'est nul... » que tu penses.
Depuis, tu n'as plus jamais reparlé à ton père - logique en soi. Tu n'as pas osé en parler à ta grand mère non plus - essayer de tuer son gosse de sept ans, ça doit valoir pas mal d'années de prison et même si tu aimes beaucoup ta grand-mère, envoyer ton père en taule nuirait forcément à votre relation. La suite se passa sans réel soucis; la fin de la primaire et le passage au collège. Toujours aucun ami, et tu trouvais toujours ça un peu étrange. Dans les mangas, t'avais toujours un mec un peu solo qui avait réussi à se faire un ami très proche, mais toi... Rien. Personne n'avait envie d'approcher un type qui faisait que lire et écouter sagement les professeurs, à part pour le persécuter et abîmer le livre qu'il lisait. Tu fermas les yeux sur ce sujet, même si t'allais forcément avoir des problèmes un jour. A quatorze ans, ta grand-mère décède. Ton père n'est évidemment pas allé aux funérailles - tu ne sais même pas s'il eut été au courant. Toi, ça t'a déprimé un long mois, puisque tu ne pouvais plus aller chez elle. Tu te retrouvais seul, vraiment seul cette fois-ci. Elle aussi était toute seule ... C'est probablement cette solitude qui l'a tuée. Si t'avais été plus présent, peut-être qu'elle ne serait pas morte aussi tôt. Quoiqu'elle n'était pas bien jeune; et à son âge, on a plus grand chose à faire... C'est égoïste mais t'aurais voulu qu'elle reste en vie un peu plus longtemps, juste pour pas avoir à rester seul.
Quatorze ans, c'est aussi le début des folies de l'adolescence. Toi aussi, comme toute le monde de cet âge, t'avais envie de faire n'importe quoi; de profiter de la vie. Alors tu t'étais fait une bande de pote; enfin tu t'étais "incrusté" dans une bonne "précréée". Même si t'étais encore un peu timide, les "cap' ou pas cap'" de tes "amis" t'ont rapidement décoincés et entre roulages de pelle (que ce soit avec une fille ou un garçon) et clope, tu n'avais plus rien du Masahiro timide et peureux, si ce n'est que sa passion ardente pour la littérature. C'était une période courte puisqu'elle n'a duré qu'une petite année. Année où t'as appris pas mal de connerie (notamment que les colorations c'est classe qu'au début). C'aurait pu durer des années si un de ces "cap' ou pas cap'" n'avait pas eu comme sujet l'alcool. Disons que t'as été très affecté par la seule interaction que t'avais eu avec ton père, et tu t'es dit que tu voulais pas finir comme lui. Alors au début, t'as gentiment refusé, t'as dit que tu pouvais vraiment pas pour "raisons personnelles". Sauf qu'ils ont insisté ces cons, et quand ils t'ont limite porté la bouteille aux lèvres, tu l'as pris et tu leur as explosé sur le crâne. Après ça, t'es rentré chez toi et tu leur as plus jamais parlé. Tu t'es regardé dans le miroir et tu t'es dit que ta grand-mère n'aurait pas été fière de toi. Tu ressemblais plus à grand chose, avec tes cheveux blancs bidons. Parce que même si t'étais à un presque un an de l'anniversaire de mort de ta grand-mètre, t'étais toujours un peu en deuil et même si ton adolescence te l'a fait un peu oublier, tu demandais toujours l'avis de mamie alors... Comme ça, on aurait un peu dit que t'avais agit en mode "Ha! Bon débarras de la vieille, je vais pouvoir faire ce que je veux maintenant!" ce qui n'était absolument pas le cas.
Tu t'es cherché un peu, du coup, comme un peu tous les ados de quatorze-quinze ans. T'as longuement réfléchis, tu t'es demandé ce que tu voulais et pouvais faire. C'est bizarre, on aurait dit que t'étais un peu bipolaire à l'époque. Plus tu lisais de livres, plus tu te disais que t'aimerais bien être de l'autre côté. Enfin - du côté de l'auteur. Ç'avait l'air bien, de créer des personnages, de les voir avancer, se mouvoir et parfois mourir en quatre cents pages. A quinze ans déjà, on te mettait la pression quant à ce que tu voulais faire plus tard. Mais toi, tu n'as pas d'argent, même si tu le voulais, tu ne pourrais pas aller dans une grande université du style de Tôdai. Auteur, c'est bien: si t'as le courage, le temps et la plume, tu pouvais le faire! Après, il faut de la chance, pour que ça marche... Enfin, il faut juste savoir le faire. A partir du moment où t'as considéré ce « métier », tu t'en es fait un rêve, c'était peut-être même un rêve de gosse, de pouvoir vivre de la littérature. Quand t'es entré au lycée, t'as commencé à brouillonner beaucoup et à montrer à tes professeurs de japonais quand tu pouvais. On t'a souvent comparé à Stephen King mais tu n'as jamais eu la prétention d'accepter ces compliments - pour toi, Stephen King est un grand romancier et il était hors de question de comparer ta petite personne à ce génie de l'horreur.
Parce que, malgré toi, tu ne trouvais l'inspiration que pour des trucs pas forcément très sain d'esprit. C'était franchement étrange, toi-même tu ne comprenais pas pourquoi quand tu voulais écrire des trucs "normaux" ça tournait en quelque chose de complètement glauque. Surtout que bon, à seize ans, on est pas forcément au courant des diverses techniques de torture que le monde offre. Toujours est-il que tu avais un certain succès local et ainsi, avant de partir du lycée pour aller on-ne-sait-où, un professeur anonyme t'a "pistonné" pour te publier dans un magazine du coin. T'étais tellement content, t'as du faire une pause sur ce que tu faisais et c'était un peu du style "masahiro.exe a cessé de fonctionner". T'étais fier, t'étais content et tu sentais que même si ça n'était pas grand chose, t'allais pouvoir mourir en paix. A dix-huit ans, on avait déjà "reconnu" ton talent et ça te rendait tout heureux. Maiis tu n'avais personne à qui le dire. Tu décidas de te recueillir sur la tombe de ta mère. « J'espère avoir grandi comme tu le souhaitais... » que tu répétais. Tu n'aurais jamais de réponse mais quoi qu'il arrivait, t'étais content de ce que t'avais fait de tes dix-huit ans de vie.
Quelques années plus tard, tu commençais à te faire un peu d'argent avec ce que tu faisais et à tes vingt-et-un ans tu t'offris un petit appartement, proche de ton village d'origine (à Nagatsuki). Même si tu savais que ton père se fichait toujours autant de toi, t'avais l'impression d'être toujours aussi proche de ta famille maternelle et c'était quelque chose dont tu avais besoin. Tu découvris aussi les joies des responsabilités, entre vivre seul, "travailler" et payer éternellement, tu te dis que finalement, vivre avec un père non-existant n'était pas si mal que ça: au moins, à part les livres et tes plaisirs personnels, tu n'avais rien à payer et c'était bien mieux comme ça. Tu fus obligé de faire quelques travaux à mi-temps pour remplir le vide presque total de ton compte en banque. Et c'était drôle tout de même, de faire serveur, tu t'entendais bien avec les barmans et les autres serveurs, c'était quelque chose que tu n'avais jamais connu dans le passé et c'était franchement sympa. Vous vous étiez même échangé vos numéros de téléphone! Et de temps à autre, les weekends, vous sortiez ensemble, au bowling, boire un café et ce genre de conneries. Vous parliez de ce que vous vouliez faire après: la plupart étaient étudiants, il y avait une mère divorcée qui avait du mal avec l'argent, puis il y avait toi, jeune adulte plein d'espoir. Tu leur avais dit que t'écris depuis le lycée et que tu lis depuis que tu peux lire et que du coup tu voulais en faire ton métier. La plupart trouvaient ça très courageux et d'autres, plus grognons, trouvaient ça débile à cause des probabilités. Même si au fond, tu savais qu'ils étaient content pour toi aussi - enfin, tu te persuadais que c'était le cas.
Un jour, ton père t'a appelé. Au début, il t'avait félicité pour la publication (qui datait d'il y a quatre ans), il s'est excusé pour ce qu'il t'avait fait essayait de se justifier avec l'alcool. Au début, t'as cru que c'était sincère, naïf comme t'es. Après une petite minute de mensonges, il t'a demandé si tu ne pouvais pas le "dépanner" de vingt-mille yens. Sur le coup, ça t'a attendri, le discours d'avant, alors t'as accepté, et t'as été lui donner. Tu lui as souris et il essayé de te sourire. Mais quand t'es rentré chez toi, tu t'es rendu compte qu'il se foutait toujours autant de toi. Ça ne t'a même pas mis en colère. Ni même triste. C'était bizarre comme émotion, probablement de la déception. Mais après presque vingt-trois ans de vie avec lui, tu savais bien que ton père était devenu (parce qu'avant ta naissance il ne l'était pas) une ordure. Tu savais aussi qu'il était dans la merde et que t'étais la seule personne qu'il avait, alors tu pouvais pas refuser. Et deux semaines après, c'était vingt-cinq mille yens. Puis trente mille, trente-cinq mille... Ça continua comme ça où tu dus redoubler d'effort pour pouvoir payer l'alcool de ton père et ta vie personnelle.
Au bout d'un moment, il arrêté de te demander de l'argent. Quelques semaines après, un de ses collègues t'a annoncé qu'il s'était pendu. Au fond, c'était prévisible: il n'avait plus personne depuis vingt-quatre ans et son ami était l'alcool. Même ses collègues ne le voyaient plus et le corps avait déjà commencé à décomposer depuis un bon bout de temps; une ou deux semaines. Bizarrement, tu ne t'es pas senti spécialement triste à ce moment-là. Faut dire, être triste de la mort du type qui a essayé de vous tuer gosse, c'était un peu maso sur les bords. Il n'empêche que c'était ton père, vous avez le même sang qui coulait vos veine alors t'as pleuré un peu, puis t'es allé à l'enterrement pour la forme aussi. On t'a posé quelques questions sur lui, et t'as dit que tu ne le connaissait que de loin: tu sais que c'est ton père, qu'il s'appelle Tsubasa qu'il était alcoolique. Ç'a surpris pas mal de gens, et tu t'es contenté de sourire tristement. Au final, ton père n'avait été qu'une connaissance. Il avait été enterré auprès de ta mère. Au moins, il devait être heureux, là où il est.
Vingt-quatre ans, c'est aussi l'âge où tu as commencé à te faire un nom. Tes amis étaient fier de t'avoir comme ami, déjà parce que t'étais vraiment un bon ami, et parce qu'ensuite les gens un minimum intéressé à la littérature commençaient à parler de toi. T'étais comme un poisson dans l'eau, et tu t'es mis à redoubler d'effort sans pour autant quitter ton travail: t'étais trop attaché à cette "bande d'idiots" (dont t'étais le premier des abrutis). T'avais l'impression que Dieu s'excusait de t'avoir donné une enfance de merde en te faisant jouir d'une vie adulte plus que confortable. Tu te demandes si Haruka aurait été fière de toi, tout de même - ta grand-mère t'aurait dit que oui. Au final, à vingt-six ans, tu pouvais vivre de ton rêve comme tu l'avais souhaité, et t'es probablement dans la meilleure période de ta vie. | Mentalité Tu te regardes dans le miroir, tu tousses comme si tu préparais un discours important.
« Moi, c'est Masahiro Mitsuaki! J'ai 26 ans, je suis un garçon et je — »
Tu soupires. Encore une fois, quelque chose te gêne dans ce que tu dis.
« Bonjour bonjour! »
Tu te claques les joues, toujours aussi insatisfait de ton début de phrase. Récemment, tu as lu que la plupart des écrivains ont du mal à s'exprimer à l'oral, et ça s'applique probablement à toi aussi. Sur papier, les mots te viennent naturellement mais vu que le nombre d'interaction sociales que t'avais quand t'étais gosse s'élevait au chiffre incroyable de zéro, c'était peut-être pour ça que tu sais pas parler. Et c'est un problème quand on a vingt-six ans — Dieu merci, tu n'as jamais eu besoin de te présenter pour passer un entretien d'embauche. Tu fronces les sourcils et colle ton front au miroir, un peu désespéré.
« Masahiro Mitsuaki, 26 ans, mâle, romancier qui ne sait pas parler. »
Tu ne te prends une fois de plus pas au sérieux. C'est que pour quelqu'un en plein dans l'âge adulte, t'es plutôt débile et innocent. Je devrais vraiment avoir l'air plus amical, c'est nul les gens qui ne font pas de phrases que tu penses. C'est plus facile mais c'est franchement pourri, et tu n'as pas les lunettes alors t'aurais juste l'air arrogant. Tu veux vraiment avoir l'air de quelqu'un de sympa. Surtout sue tu l'es! Gamin dans l'âme, les trucs comme les impôts ou même un sujet un tout petit peu sérieux comme le viol, le sexisme ou la déforestation te révulsent au possible. Tu pars t'écrouler sur ton fauteuil et regarde ta bibliothèque. Triée par ordre alphabétique, ces quelques étagères assemblées sont ton plus grand trésor, et même si tu perdais tout ce que t'avais, tant que t'avais quelques livres, du papier et une plume, tu sombrerais pas dans des trucs nocifs. Tu te lèves et prends un livre au hasard dans l'étagère "romans d'adolescence". Parce que monsieur trie ses livres par genre, c'est plus facile pour choisir selon l'humeur. Les romans d'adolescence, comme c'est sur des adolescents (surprise) en général il y a des présentation par ci par là sur plein de personnes différentes — l'adolescence et tout ça. T'es tellement nul que t'arrives même pas à te présenter toi-même, quelle classe.
« Tu peux m'appeler Masahiro! Le reste, on s'en fiche, c'est — »
Ouais non, dans une conversation entre adultes sérieux et respectables (mais oui), ça ne passe vraiment pas. Les adolescents parlent comme des ados, t'avais un peu oublié à ton grand désespoir. Du sérieux, du sérieux, mais pas trop quand même... Bon, faut pas se laisser abattre par quelque chose d'aussi stupide qu'une présentation! Motivation motivation motivation! C'est que t'es plutôt optimiste dans l'âme et tu ne te laisses pas démonter pas quelque chose d'aussi ridicule que ça, il en faut bien plus pour t'atteindre psychologiquement. Tu te creuses un peu la tête. Tu baisses les yeux; ton regard se posant sur la rubrique « horreur ». C'est drôle, cette partie est la plus grosse que t'aies. Et dans une partie réservée (la première place), on trouve un certain auteur que tu connais très bien - Mitsuaki Masahiro. C'est le seul qui a reçu un traitement de faveur et donc le seul qui n'est pas en ordre alphabétique - et c'est un peu normal. Maintenant que t'y penses, ta spécialité, c'est de faire des protagonistes attachants pour les détruire au fil des pages. Tu pourrais prendre exemple sur un d'entre eux... Comment ça, t'es un sadique? Mais non mais non, t'es la personne la plus innocente du monde, la preuve: à vingt-six ans, tu renies toujours la non-existence du Père Noël. Bon, du coup, tu te dis que t'es un méchant garçon, vu que depuis que tu vis seul, il n'est plus jamais venu... Le problème, c'est probablement ton père qui t'as laissé regarder un film d'horreur un peu trop... horreur-esque à seulement sept ans. C'est que t'es traumatisé mon pauvre Masahiro, et tu ne le sais même pas! En pensant à ça, ton esprit se réveille brusquement, comme si tu venais d'avoir une super idée.
« Moi, c'est Mitsuaki Masahiro! Même si j'écr -- écris des livres d'horreurs (enfin je crois), je mords pas! »
Ta langue a fourché, comme d'habitude. Finalement, c'était peut-être pas une si bonne idée, après tout... Tu pourrais faire un jeu de mot avec le "hiro" de Masahiro! Du style,
« Je suis Masa-hero! Le super héros venu vous sauver à coup de livres...! »
Ton visage se met à rougir sous le coup de la honte, alors que t'es tout seul chez toi. Peut-être que montrer ton sens de l'humour très développé n'était pas une bonne idée non plus... Au final, tu ne sais toujours pas comment te présenter. Par contre, présenter les autres personnages, ça, tu sais faire! Ça t'irrite, et pas qu'un peu - monsieur s'énerve facilement, monsieur n'aime pas ne pas avoir d'idées. Tu ne sais pas si tu dois en pleurer ou balancer le livre que t'as dans la main en mode "je suis très énervé, grou grou" . Montrer ses émotions, c'est important, mais toi, c'est devenu un défaut dans le sens où t'es vraiment trop émotif. Toujours à pleurer à cause d'une scène trop triste à ton goût, à pleurer parce que t'es content et pleurer quand t'es trop gêné (ce qui te gêne encore plus). Parce que tu pleures beaucoup, toi-même tu sais pas vraiment pourquoi, mais ça fait pas très mature (pas comme si tu l'as été ne serait-ce qu'une journée). Tu secoues la tête pour te sortir cette idée de la tête. Allez allez, sois un peu intelligent pour une fois, Masahiro!
« (avec une courbette) Mitsuaki Masahiro, 26 ans, romancier! Prenez soin de moi s'il vous plaît! »
Bon, ça te semblait pas trop terrible. C'est un peu con parce que vu t'es assez (beaucoup) tête en l'air, au moment où t'auras besoin de te présenter, t'auras sûrement oublié... Mais content de ta connerie, tu te lèves pour attraper ton manteau, te casse la gueule sur un livre traînant pas loin (le dos fait vraiment mal quand on marche dessus) et met des chaussures, le tout en souriant. Tu prends une grosse bouffée d'air par la fenêtre et ouvre la porte menant à l'extérieur. Tu ne sais pas encore ce que tu vas faire; mais tu vas t'éclater et profiter de ta jeunesse de sûr! |