Perdre l'équilibre et gagner une rencontre, ça c'est fort. ft. Mitsuaki Masahiro

« Bon allez, motivatioooon! » Et tu t'écroules sur ton bureau, ton front cognant ton clavier et tes bras attrapant le bout de la plaque de verre recouvrant les quatre pieds en métal. Peu après ça, tu tournes ta tête pour regarder par la fenêtre, tes yeux se perdant dans le bleu éclatant du ciel, un peu gâché par les quelques nuages cachant le soleil. On est en novembre, après tout... La météo avait prévue de la pluie pour toute la semaine à venir et c'était assez déprimant, de voir quelque chose griser la vue – pas si désagréable que ça pour la ville. Heureusement que le son de la pluie était réconfortant; sinon tu te serais mis à hiberner pendant une longue semaine; attendant la fin de la pluie pour que Masahiro Mitsuaki renaisse. Tu soupires sans bouger de ta position, une page blanche désormais recouverte de virgules sans que tu le remarques — et tu t'en fiches un peu. Se cloîtrer ou profiter du beau temps tant qu'il est encore là, telle est la question. En fait, la question ne se pose même pas, ça te semble tellement évident. Tu fais style d'effacer les cernes sous tes yeux (très intelligent de se coucher à quatre heures du matin pour regarder des séries —) après t'être levé et étiré. Tu chantonnes en te couvrant de ton habituel manteau (malgré le joli ciel bleu; la température était bien basse et sortir avec une simple veste était un peu comme sortir pour chopper la crève et rester cloué au lit pendant une semaine) (de toute façon il pleuvra alors la pluie le couchera gentiment et il se aura une bonne excuse pour se contenter de regarder des dessins animés — monsieur est mature, puis y'a pas d'âges pour ça — et se refaire des tonnes de séries télé). Tu ouvres la fenêtre du salon, t'appuyant dessus et prenant une profonde inspiration. Bon, ça sent pas très bon avec les voitures, la pollution et tout ça, mais du haut du cinquième étage, l'odeur se faisait déjà moins présenté et te permettait de te sentir déjà un peu mieux. Tu pourrais presque tomber tellement tu te penchais; mais heureusement, la fenêtre disposait d'une sorte de rambarde empêchant les résidants de l'immeuble de tomber. Une invention plutôt ingénieuse ayant éviter ta mort de très nombreuses fois.

Tu continues de fredonner en descendant les nombreux escaliers (oui il y a un ascenseur mais tu préférais descendre les escaliers, c'était, bizarrement, plus rapide et en plus ça t'évitais de devenir un poids mort avec aucune endurance), saluant au passage les autres résidants de l'immeuble lorsque tu le pouvais — surtout ceux qui ne peuvent pas te blairer, faut dire que quelqu'un aussi peu détestable que toi, ça te rend, ironiquement, détestable. « Oh, ce type là est forcément un hypocrite, je n'ai pas confiance. » « Oh, ce type est trop gentil, il me file la gerbe. », ce genre de choses. Ça te fait plus sourire qu'autre chose: ça te fait accessoirement réaliser que le monde d'aujourd'hui était basé sur la méchanceté et du coup, t'étais plutôt fier de toi. Tu poses le pied sur le sol extérieur, un trottoir urbain des plus banals. Encore une fois, tu prends une profonde inspiration. Tout de suite, l'air était plus désagréable mais au bout d'un moment, on est habitué et même si tu n'aimes pas ça, l'air de ton appartement répare temporairement tes poumons (déjà abîmés par tes conneries de jeunesse). Tu pouvais toujours aller te balader dans le parc où l'air était déjà moins toxique. Enfin, quoiqu'il arrive, le ciel est bleu, les oiseaux chantent etc etc et ça te met de très bonne humeur. Profitons profitons profitons, que tu te dis. Enfin t'es le seul abruti qui fait ça, les quelques adultes que tu vois ont les yeux rivés sur leur portable et ce genre de choses. Triste vie, tu les plains d'un simple soupir. Mais faut pas se décourager! T'as vécu pire et cette pensée te motive.

D'un pas assuré, tu te décides de marcher un peu au hasard, selon ce que ton cœur te dit. Parce que t'es tellement stupide que tu sais même pas où aller. Tu pourrais appeler un de tes amis mais ils ont d'autres amis et tu ne voudrais pas les déranger, tu pourrais aller bosser un peu pour passer le temps — mais cela équivaudrait à rester à l'intérieur et c'était pas franchement ce que t'avais prévu. T'écrouler sur un banc du parc et te rendre aveugle en regardant le soleil caché par les nuages te semblait être une bonne idée mais peut-être qu'avoir l'air à moitié mort dans un lieu avec des gosses n'était pas non plus une très bonne idée. Raaaah, ça t'énerve, voilà, ça y'est, ta stupidité te fait chier et t'as envie de rentrer chez toi. Un peu con, tu décides d'y aller en mode yolo, on verra bien ce qu'il se passer et c'est beaucoup mieux. Tu réalises cependant que ton porte-monnaie se repose sagement sur ta table de chevet entre deux livres et tu remercies ta stupidité une nouvelle fois. T'essaies de te persuader que c'était pas si terrible que ça, que dans un sens, c'était mignon et euh en fait non, t'avais juste l'air complètement débile à rester planté à quelques mètres de ton chez-toi, tel un indécis. Tu préfères récupérer ton porte-feuille juste au cas où tu tomberais sur une librairie — tu regretterais probablement de ne pas voir pu acheter tel ou tel livre juste parce que haha Masahiro Mitsuaki est un abruti. Tu remontes les escaliers, un peu essoufflé (probablement de ta connerie), te trompes de poche et galère pour retrouver tes clefs et cherches pendant cinq minutes cet abruti de porte-feuille. Malin, très malin. Finalement, tu le trouves planqué entre deux pages d'un livre, et tu te demandes ce que t'as fait pour qu'il se retrouve là mais décide ne pas trop réfléchir au risque de te donner une migraine — faut pas trop te faire réfléchir, sinon ton cerveau surchauffe et t'as besoin de ne rien faire pendant cinquante-trois ans.

Enfin bref. Tu réfléchis, vérifiant si t'avais bien toutes tes affaires: téléphone, clefs, porte-feuille et carnet de note et stylo (oui c'est très important, on sait jamais, au cas où t'aurais un éclair de génie (haha)). Ça te semble bon et donc tu redescends les escaliers (bon sang, si tu ne perds pas au moins deux cents grammes avec toutes ces conneries, c'est très fort) assez rapidement et manque de trébucher en chemin sinon c'est pas drôle. Tu supportes les gentilles moqueries de tes voisins — oh, ils sont habitués depuis le temps. Tu te remets à fredonner, ta mauvaise humeur disparue depuis (oui, pas besoin de grand chose pour que ça retombe, t'es plutôt simplet) et tu tournes comme ça entre les rues. Quand l'envie te prend, tu traverses, tu tournes à gauche, à droite, parfois tu t'arrêtes devant un carrefour comme si ça te semblait être la décision la plus dure de ta vie. Finalement, tu décides de t'arrêter à un Starbucks parce que pourquoi pas, les pauses café c'est important dans la vie, c'est une de tes phrases fétiches (oui parce que t'en as). Tu sors ton téléphone pour te souvenir d'où se trouve le Starbucks du coin en continuant de marcher. Évidemment, c'était prévisible que tu te casses la gueule quelque part mais en fait le plus problématique à ton goût c'était le fait que du coup tu pouvais plus profiter de la vue — et de la vie. Boom. Bim. Bam.

Bref, collision plutôt violente. Adroit comme t'es, tu tombes par terre, ton téléphone en profite pour se casser la gueule et comme les écrans de téléphone, c'est le mal, tu te retrouves un peu sonné. Ta main vient gratter l'arrière de ton crâne et tu grimaces de douleur. Tu comprends pas trop ce qu'il se passe pour le coup. T'essaies de te repasser le moment dans le tête, et tu remarques qu'une touffe de cheveux blancs t'es tombé dessus. Tu poses les yeux dessus. Un garçon, probablement un gosse (c'est franchement triste de dire ça, on voit bien que t'approches de la trentaine), et ses cheveux, blancs donc, et ses yeux rouges sont semblables à ceux d'un albinos. Et comme ta mémoire est, bizarrement, très bonne, ton cerveau se remémore les centaines d'articles sur l'albinisme dans la tête. Mitsuaki Masahiro, encyclopédie vivante. « La documentation, c'est la vie ». « Ta tête va exploser! », et ce genre de conneries que ta grand-mère te sortait. Enfin bon, voilà, t'avais percuté un gosse, très malin, va te pendre abruti. Tu te relèves en même temps que lui, tu te courbes un peu trop bas pour quelqu'un sensé être un jeune, et vous vous excusez en même temps. Ah ben, synchronisation des cheveux blancs, quelle blague! « Non non c'est ma faute, désolé, je regardais pas où j'allais! » Tu lui souris gentiment, ouais voilà, t'as l'air vraiment con (au moins tu renies pas ta vraie nature) mais en même temps c'est vrai. Quoique dans tes souvenirs, il t'est bien tombé dessus, tu sais pas ce qu'il a fait, il a du trébucher sur un caillou ou une canette (ce genre de conneries ça n'arrive qu'à toi normalement). « Heureusement que j'étais là quand même, t'aurais pu te faire franchement mal si tu serais tombé par terre... » Tu te grattes la joue. Genre t'as sauvé la vie de quelqu'un !! Bon sérieusement, le goudron ça fait mal, tu t'y connais.

« Je vois… » Tu soupires intérieurement. « Je ne devrais donc pas en acheter alors ! Merci de m’avoir informé ! » Tu sais pas si tu devais être content d’avoir dissuadé un gosse d’acheter une peluche. Dans un sens, t’avais réussi à préserver son innocence donc c’est cool. Mais plus tu retournes le problème dans ta tête moins t’as l’impression de comprendre ce qu’il se passe à l’intérieur de l’albinos. Même toi, qui n’a pas vraiment eu la meilleure éducation (en fait on peut facilement la placer dans les pires), ce genre d’objets sont plus que courants. C’était franchement étrange tout ça. Si ça se trouve, t’es dans un film de science-fiction où en fait, cet albinos est un genre de Terminator rendu mignon pour qu’il ne se fasse pas remarquer… !! Quoi c’est pas possible, vu la technologique surréaliste (mais pas trop du coup) de nos jours, le Japon pourrait très préparer un plan super secret de destruction de qui-sait-quoi ! C’est dans ce genre de moments que tu te rends compte que t’as trop lu de livres, heh.

Il t’a remercié, aussi… Il a l’air d’être le gentil fils à papa et maman, peut-être trop gâté et/ou protégé, peu trop niais, qui sait. Tu sais juste qu’il est tellement innocent que ça en devient effrayant. Son originalité t’interroge sur beaucoup de choses et t’as envie de lui poser des centaines et des centaines de questions mais il faut que tu te retiennes parce que c’est quand même un gamin. Autre hypothèse : lavage de cerveau ! Pour x ou y raison genre t’as lu dans un manga qu’une fille avait genre pas assez de place dans sa mémoire pour retenir des sorts super puissants et des souvenirs, c’était waouh ! Bon quelques mois après t’as appris qu’il y avait deux parties différentes pour l’apprentissage et les souvenirs mais sur le moment c’était super cool ! Bon après, il faut la raison du lavage du cerveau… Peut-être qu’il a découvert un truc top-secret, genre le plan du Terminator !! Ou peut-être qu’il a pas écouté un groupe de méchants, ou pour qu’on fasse ce qu’on veut de lui ? Parce qu’il est super cheaté et tout… ! Bon okay, va falloir se calmer sur les conneries, ça n’existe que dans les livres, ça, on est dans le monde réel, là (malheureusement ?).

Tu continues de réfléchir sur tes conneries un bon moment quand même avant que la voix du plus jeune te secoue intérieurement. « Je—Je m'appelle Asayo Shiro ! Enchanté ! » Il a fait une courbette, aussi. Asayo Shiro… C’est sympa comme nom ! En plus, « Shiro », ça veut dire blanc. Blanc comme euh ses cheveux. Comme son âme aussi ? La pureté et tout… Ah ouais, faut que tu te présentes aussi, du coup. Enfin, tu donnes juste ton nom, ça suffit, il t’a juste donné le sien. « Enchanté, Shiro, moi c’est Mitsuaki Masahiro ! Masahiro suffit. » Tu lui souris doucement en caressant ses cheveux.  C’est un gosse, hein… Faut faire comme pour les autres, puis c’est pas compliqué, ils sont comme toi mais en plus petit. Puis ils savent moins de choses, enfin, tu sais pas trop… Dans tous les cas, c’était le même genre de personne que toi. Enfin, probablement… Bon, maintenant qu’il t’a donné son nom, il attend probablement quelque chose de ta part… T’essaies de trouver quelque chose à dire, du coup, mais c’est assez  dur ; non pas que t’étais pas curieux (au contraire, t’as tendance à être trop curieux), mais tu veux pas envahir sa vie privée, c’est pas très respectueux de ta part. T’es le genre de personne qui est assez abrutie pour appliquer le proverbe « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse ». Tu t’es jamais incrusté dans la vie des gens et tu le feras jamais de ta vie. T’es pas un connard, toi.

Mais il y avait bien un truc qui t’intéressait, c’était son âge. En fait, c’est pas une information importante en soi : tu connaissais souvent les dates d’anniversaire des gens mais pas forcément leur âge— enfin tu demandes quelques jours après parce que si tu leur souhaite leur anniversaire sans savoir l’âge qu’ils prennent t’aurais bien l’air stupide (c’est important les anniversaires, c’est la seule réelle excuse d’être content)(c’est le Docteur Cameron qui l’a dit ok). Là, c’était pas spécialement la date qui important, mais surtout l’âge, parce que ça te stresse de pas reconnaître l’âge avec leur apparence. Enfin, pas tant que ça, mais c’est surtout sa manière d’agir qui colle pas, c’est… un peu bizarre, mais t’es très mal placé pour dire ça, en fait. « Dis, Shiro-chan… » Tu marques une pause. « Shiro-chan »… Oui bah c’est un enfant, t’appelles pratiquement tout le monde comme ça de toute manière. Puis vous devez avoir une bonne quinzaine d’années d’écart. « Je peux te demander ton âge ? » Tu lui souris gentiment (toujours), un sourire qui se voulait rassurant. C’est stupide comme question, c’est indiscret, espèce d’abruti. Pauvre Shiro, il doit probablement penser qu’il est tombé sur un pot-de-colle. Il aurait pu tomber sur mieux… Littéralement.